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Alamo Race Track live !
Du souffre dans les tulipes.





Autant le dire en bref : une douce leçon de tabassage. Derrière un premier album très sûr à la croisée des pistes menant de Fort Alamo à L.A en passant par Abbey Road, nos quatres cowboys à tulipes se présentent les nerfs à vif pour un set brûlant comme les champs alentours. Heureusement pour les plus atteints, le château était ceinturé de lacs, histoire d’éteindre les braises en douceur.

Difficile pourtant de dire au départ de quoi il retournait. Sur le t-shirt du batteur, on pouvait voir l’inscription Money Talks, un énorme dollar vert imprimé sur le ventre. Manière douce de régler leur compte aux révolutionnaires présents ou simple pochade de garde robe, le fait qu’en place et lieu du vert, c’est bien le jaune, le rouge, le noir qui très vite entrent en scène. Rouge pour le bois de guitare de Ralph, noir pour ses bracelets de cuir façon au choix Elliott Smith ou Motörhead, jaune enfin pour le feu, partout présent sur le set du juvénile quartette d’Amsterdam.

Si la pochette du premier album Birds at home annonçait la couleur - un oisillon de paille en flammes, l’intérieur en revanche brillait par sa maîtrise : embuscades pop, ballades roots à la mode de Memphis, cylindres rock bien en chair, le tout sous contrôle à renverse de scène. La tignasse fauve sur l’arrière des fûts, le batteur cogne pour en mettre et s’acharne avec joie : une sorte de complaisance au binaire qui, au fond, avouons-le, ne peut que réjouir l’être néandertal qui sommeille en chacun. Mais que se cache-t-il autour ? Au diapason du métronome, un set à l’état brut, pour une fièvre étirée à longueur de guitares et surtout, c’est là l’outrage, une incroyable voix porteuse de tout l’ensemble.

Artificiers démineurs pour un soir.

D’un batteur aux marteaux, d’une lourde basse en droite, des guitares en soutien, on se dirait qu’un groupe de plus accroche et forme un rock bien planté sous la selle. Sauf que le disque en boucle sur nos platines n’a presque rien de fièvre. Presque, mis à part We like to go on, Speed up ou Wild Bees, trois missives servant sur scène d’étalon à tous les autres titres. Galerie d’uppercuts, de punchs rapides, incisifs, comme si les trois congénères voulaient par un tempo rapide, plein de tension, en découdre au plus vite.

Une sorte d’urgence, de rage bien joyeuses à faire suer les planches. Que dire alors du quatrième, chanteur de son état, sinon qu’il assume à lui seul la double fonction retardateur/détonateur ? Tout au long planté debout face au micro, Ralph Mulder tient sa laisse en allonge : il gonfle ses syllabes, fait durer ses fins de phrases, jouant tantôt le calme ou la provocation, passant de l’un à l’autre pour faire monter l’anguille.

I’ve got a burning desire. There must be somebody out there that feels the same.

Un type massif la tête entière dans son micro, la voix envoûtante passant du calme à l’hystérie sous un orgue barbare, cela ne vous rappelle rien ? Mais si bien sûr, le petit Morrison, ceinture d’oreilles sous acides, a fait des émules jusqu’au pays très plat. Ralph a passé beaucoup d’heures à visionner les concerts des Doors et du King, qui le lui rendent bien. Déhanchement suggestif, jambe vers l’arrière jouant la crampe avant d’être électrique, bras tendu, relié par la nuque en décharges successives, une parfaite panoplie d’apprenti bête de scène dont Ralph use à merveille pour faire hurler ces dames.

Brûlées sur place, les morceaux d’Alamo Race Track changent donc de tempo mais pas de fond : maîtrise, présence, charisme, le tout avalé dans un grand bol de Benco et trois cuillers de stéroïdes. Deux fois quatre mains pour soulever un à un les verrous de leurs chansons et leur donner du fouet en saturant les amplis - mission : accomplie. Passé sans merci à la sauce dynamite, ce n’est plus de poussière western mais bien de souffre dont brille Birds at home, un souffre dont on attend, faut-il le préciser, des nouvelles au plus vite.


Stéphane Mas