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Arctic Monkeys. Whatever People Say I Am, That?s What I?m Not
Feu d? arctifice





Les voilà débarqués de l?Angleterre, d?où les coups de fouets ne claquent pas toujours dans le vide, la fronde Arctic Monkeys affole les compteurs et les bpm pour reléguer la concurrence quelques années lumières. Dans la plus pure tradition outre-manche, toutes guitares dehors, des lycéens prompts à la dégaine se jouent des clichés pour proposer une savante alchimie entre bordel bruitiste et sens de la litanie mélodique, éruptions cutanées et cervicales dévissées.

Des chemins de traverse à la voie express

L?exception confirme la règle. Dans l?exploitation intensive et abusive du filon rock à laquelle se livrent pêle-mêle majors affamées et médias opportunistes, le buzz ne fait pas ici office d?écran de fumée. Dans la grande opération d?élagage à laquelle se livre l?auditeur pas dupe, l?effort trouve parfois sa justification sur les autoroutes les plus fréquentées.

Pas question donc d?écarter d?un geste condescendant ce qui brille au fond du tamis sous prétexte qu?il émerge d?un bourbier nauséeux. Et même si les indicateurs baignent dans le rouge - rock adolescent, notoriété via internet, relais appuyé de la presse pour initiés - il faut une bonne dose de mauvaise foi et de pose rassasiée conjuguées pour ne pas sortir la tête en vrac d?un disque dont on aura peut-être (mais qu?importe) tout oublié dans un an.

Hardiesse adolescente et embryon d?éthique.

Et comme l?histoire est vraiment belle, il faut donc qu?on informe le batteur de l?existence d?un site internet via lequel le groupe laisse une traînée de poudre. Il n?y aura pas de retard à l?allumage, les ventes explosent, et Domino (The Kills, Smog, Elliott Smith) aura encore eu le nez creux. S?il faut se lever de bonne heure pour vérifier sur pièce et en vrai l?affolement général, reste un disque qui malmène dangereusement les neurones et la sono maison.

Car s?il y avait l?ombre d?un reproche à esquisser au sujet du caractère rebattu de l?album, il est vite balayé par le constat implacable d?une alchimie quasi parfaite sur les gammes du genre. Guitares acérées, mélodies implacables et gouaille adolescente au programme pour faire table rase des cohortes de prétendants au trône. Et le fait de refuser la récupération via les sonneries de portables et autres Top of the Pops n?est pas pour déplaire.

Sprinters et fondeurs de concert

La ligne directrice, claire et rectiligne, pose les guitares batailleuses et survoltées sur le devant de la scène. Et si c?est insuffisant, la basse bondissante assure une assise parfois funky qui donne des fourmis entre les jambes. Si le rythme est souvent effréné, il affiche cependant, et contrairement aux concurrents qui donnent dans la baudruche, une endurance qui rend tout décrochage quasi impossible lorsque la première piste s?élance.

Pas d?erreur de jeunesse, il faut parfois reprendre son souffle au beau milieu des hostilités, Riot Van en salle de réa. Au milieu du gué, on est harcelé par des lames aiguisées au ska à peine déguisées, au rock d?antan sous perfusion punk- tout sur un accord- Still Take You Home, le slogan en bonus « You Know Nothing ! », et évidemment des tubes fiévreux taillés pour les planches Dancing Shoes, ...The Dancefloor. Un rock sous influence hip-hop

Et si cette chapelle qui a vu défiler les Libertines, Bloc Party ou The Rakes entretien une atmosphère électrique délétère, elle ne se prive pas pour ratisser large et lorgne volontiers du côté du dance floor, l?urgence en bonus. Mais la marque de fabrique des artilleurs de Sheffield, c?est aussi une gouaille accrocheuse qui empiète allègrement du côté du phrasé hip-hop, When The Sun Goes Down, Red Lights..., pour mieux faire sauter les portes verrouillées à double tour par The Streets ou Eminem. Une voix qui transpire la rue, les immeubles blafards et les trottoirs mangés par les détritus, nous sommes au nord de l?Angleterre.

Si maintenant, non contents de dérouler un album homogène, haletant et combatif, les néo bacheliers anglais se décident à empiéter sur les plates-bandes des voisins, il va falloir suivre de très près leurs prochaines exactions.


Guillaume Bozonnet