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Alamo Race Track - Birds at home.
They shoot horses, don’t they ?





Avenue déserte, poussières au crépuscule, Ennio Moricone s’arrête en pleine course. Alamo Race Track s’empare de ses idoles et les passe aux éperons. Un premier disque époustouflant, odyssée rock et western sous des canyons maîtrisés jusque dans leur coupe, par un quatuor trempant sa tétine dans un merveilleux lait de jouvence aux sources du rock. Où les tombes s’ouvrent pour faire reparaître en vrac Beatles, Doors, Elvis et Sparklerhorse, toujours attendu. Des sacoches pleines de perles que le jeune quatuor décide sur scène d’incendier d’une rage brute.

Il ne suffit pas de dire que cet album est génial. L’inventaire en ordre commence par Don’t frighten them, histoire de se poser d’entrée par l’écart : duel à cheval et nuit tombée pour à peine un couplet raflé sous la plante, avant de découvrir sur Happy accidents cette façon de hâcher des filets guitare tout en y glissant de l’huile sous la forme d’un piano. L’alliance des chœurs angéliques au binaire du batteur sur Like to go on confèrent à ce titre le grain rock et l’arrière théâtre d’un Lou Reed à son meilleur.

Début d’une rivière sans retour charriant dans son lit des perles comme s’il en pleuvait : la voix douce éthérée de Trunk sur un parfait medium rock, l’adolescence joyeuse, légère de Summer Holiday, perle fantaisiste digne d’un Pavement grand cru, de l’époque où la troupe à Malkmus était le meilleur groupe du monde. Short Leave, petit bijoux de piano, sera quant à lui le premier duel au soleil sous lithium entre Beatles et Sparklehorse, double influence que l’on retrouve plus tard sur Life is great, piano plus steel guitar, laquelle se métamorphose bientôt banjo pour un final de garçon vacher près du feu.

I’m alive, to keep myself from falling.

Car l’incroyable sur disque est là : subtil mariage entre l’acoustique low-fi (Life is great), le polissage pop (Happy Accidents), et le rock west coast où les corps dansent sur braise, Speed up, à l’image de l’album, serpente ainsi sur des canyons d’Arizona et s’approche du bas ventre des jeunes filles. Un son tendu par la ceinture qui, promis, en fera tomber plus d’une.

Bye bye orange, la hollande porte en selle la poussière des grands espaces de l’ouest. Espace américain mais aussi corps en sueur. Flame it up pour partir en ballade sous les draps tard la nuit, entre une guitare et des harmonies vocales à languir, pour se retrouver à genoux une minute et huit secondes plus tard sur I have seen the light : un cheval au milieu d’une vallée brûlée de soleil, sous les cordes qui descendent d’en haut.

Western sous la neige.

Déjà la ligne de basse sur The low end nous tenait sous le secret des portes. Portes, portes, portes d’un whisky bar remis dans son armoire d’influence sous un tas de petits scarabées. L’origine du monde, pour nos hollandais bien loin de Courbet, se perd plutôt au milieu de Wild Bees, entre Abbey Road, Fort Alamo et cette cabane à l’abandon démolie en Août 1957 à Memphis, Tennessee, pour être ressuscitée sur la côte ouest près du Morrison Hotel de L.A, une nuit d’avril 1969.

Malgré ses influences bien en vue, l’écriture d’Alamo Race Track fait preuve d’une audace et d’une épure incroyables. Oiseaux, poissons, ciels et flammes sur une table où gît un cœur ouvert. On ne tue pas les oiseaux des autres, chante Ralph Mulder sur Birds at home, des oiseaux pleins les chœurs, chœurs magistraux de Gunfight at the OK Corral planant désormais sur les bars de la belle Amsterdam.

Et l’on se dit que malgré sa voix magnifique, on a du lui prendre, et les tordre avec goût, les oiseaux du petit Ralph. Cruel, mais pour quel résultat ! Like like fire, parfaite quiet pop, clôture avec grâce un album aux ailes aussi larges que l’avenir de ces nouveaux cowboys, tulipes en guise de colts.


Stéphane Mas