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Ghinzu Live !
Entertainment sauvage et dandy.





Ghinzu, collectif belge supersonique, serait-il en passe de devenir mythique ? A l?heure où les mythes ont fâcheuse tendance à ne durer qu?un certain nombre de semaines, la question reste trouble.

La pochette de l?album servait d?ouverture. On découvrait nos quatre acolytes assis côte à côte sur une banquette, costume noir, chemise blanche et cravate noire, une main tenant un verre de bière, l?autre une cigarette, chacun la tête recouverte d?une perruque afro leur couvrant le visage. Sur la droite, l?un d?entre eux n?arborait pas la même tenue : un étrange kimono, noir également, avec en surimpression des motifs de dragon.

Trust the power of the dragon.

Dans notre monde décadent, certaines valeurs demeurent. Tant pis pour nous, donc, si parmi celles-ci le rock demeure un petit cube de glace à faire fondre dans la sueur : une petite musique de nuit pour post-adolescent lubriques aimant boire et fumer dans un sous marin jaune. Quelque chose somme toute d?assez simple. John Stargasm revendique son patronyme à cette envie démesurée de faire jouir les étoiles. Dans un entretien à 491, il dit aimer « cette idée de délier des pulsions chez les autres, leur donner la sensation de se sentir sans complexe, dans une liberté liée à la rage ». Mission cinq fois accomplie pour les cinq individus qui apparaissent sur scène montés de leurs perruques fétiches, exception faite du batteur, accoutré d?un Stetson qui sied à merveille sa moustache à Led Zep.

Ils délivrent d?abord un Blow tout en retenue, le même précisément que sur l?album, avec une fin qui s?enlève doucement pour finir très haut, enchaînée par un High Voltage Queen à nouveau tout en progression, jusqu?à son épilogue brûlant. La machine est lancée ; la salle comble à craquer, conquise d?avance. Sur le titre suivant issu du premier album, Dragon, un premier acte met le feu aux poudres. Greg Remy, guitariste, la tête en plein vol, perd sa perruque et révèle comment dire, une sorte de flamme, de dragon évidemment. Les autres suivront dans l?hystérie collective - un lit de perruques noires se disperse sur scène.

Trois actes pour extase.

Après Dragster Wave, Stargasm pose le deuxième acte et quitte ses lunettes de soleil en sous teintes héritées d?un oncle parti en Slovénie dans les années 70. Il assume un 21st Century Crooners plein d?une gloire à venir, explosif, prêt à craquer. Il se retient, garde dans l?air cette tension électrique où tout semble parfait, trop peut-être pour être honnête et qu?importe : on adhère. C?est sur le séminal Do you read me ? que le troisième et dernier acte est donné. D?abord parce que Stargasm y fait comme sa profession de foi. S?il s?adresse à sa tendre et chère, c?est aussi un appel au rock, au public, à l?avenir de ce groupe :

I?m a chopped off head,

Spitfiring in the air,

I?m a headless body,

Starving for your electro shocks.

I?m a headless fury,

Do you read me ?

I was waiting for you for so many nights,

Do you hear me coming to you Baby ?

Troisième et dernier acte parce qu?il délaisse le piano pour une guitare, et qu?il finira dos au public, debout sur son clavier, en pleine apnée mégalo. Hysterie bis. Plus rien ne les arrêtera. Ils enchaînent leurs petites odes les unes après les autres (Dracula Cowboy, Mine), alternant furies et perles douces, et toujours cet entêtement à faire date. Kris Dane perd sa chemise et maltraite son clavier pour en tirer des boucles vicieuses, tandis que Greg Remy passe le temps de ‘Till you faint derrière les fûts de Fabrice George, s?avérant tout aussi terrible à la batterie qu?aux guitares, avec un finish aux marteaux digne de Novosevic. Mais tout cela n?est rien au final devant les déhanchements de Stargasm. Outre ses leçons de piano, le petit John a du passer un temps infini devant son miroir à imiter le déhanchement du King façon Elvis is back for you. Le résultat est renversant : une chaloupe des hanches à couper le souffle.

Liberté sauvage vs. entertainment dandy.

Ghinzu, double belge des Strokes ? Han, han. Lorsqu?on lui parle d?influence, Stargasm cite pêle-mêle le début des Queen, les Meteors, Black Sabbath et les Melvins : tout est bon dans le cochon. Quant aux textes, ils célèbrent « une post-rebellion », « un dandysme de sexe et d?excès », provenant d?« une insouciance par rapport au fait d?avoir une certaine satisfaction matérielle ». Ghinzu, groupe de jeunes golden boys en mal de rébellion ? Han, han. Malgré le trio costume, strass et paillettes, Ghinzu n?a que peu du Glam Rock, ne serait-ce que par l?énergie féroce qu?ils transmettent en concert - la scène ne ment pas. Et s?ils s?inscrivent dans ce jeu de la star attitude, c?est avant tout avec humour (i.e. This album contains a very dirty spell against piracy). Gageons que s?ils ont à choisir entre entertainment dandy et liberté sauvage, les membres de Ghinzu choisiront cette dernière. C?est tout le mal qu?on leur souhaite.


Stéphane Mas