Art | Bien profond | Ciné | Livres | Musik | Liens



Holy Sons - I want to live a peaceful life.
Emil Amos sort de terre.





Un titre d’album comme déclaration d’intention, le corps braqué sur l’arrière, et cette voix revenue de tout, reléguée dans les caisses pleines de poussière d’un vieux grenier d’Oregon. Petite merveille dépressive.

Sortir un disque lo-fi rime trop souvent avec bricolage : un type pose son fourbi mélodique dans un coin pour une longue resucée au goût amer d’abandon. Rien à voir ici, c’est d’ailleurs plus d’écoute qu’il s’agit. On peut être dépressif et vrai, sans la complaisance d’un esthétisme maniéré. La preuve par quatre avec Emil.

Comme la photo en insert cadrée en oblique, Holy Sons parle de lustres qui se détachent du plafond. I want to live a peaceful life. Un titre d’album comme déclaration d’intention, le corps braqué sur l’arrière, et cette voix revenue de tout, reléguée dans les caisses pleines de poussière d’un vieux grenier d’Oregon. Sortir un disque lo-fi rime trop souvent avec bricolage : un type pose son fourbi mélodique dans un coin pour une longue resucée au goût amer d’abandon. Rien à voir ici, c’est d’ailleurs plus d’écoute qu’il s’agit. On peut être dépressif et vrai, sans la complaisance d’un esthétisme maniéré. La preuve par quatre avec Emil.

De la catharsis en musique.

Faut-il égrener toute la liste ? Stunned, Getting Old, Last Hurrah, All the wrong things, Hermit’s tune, Washed out, Amen. A voir le portrait en couverture de l’album et le son de cette voix qui parcourre les dix ou douze merveilles de ce disque, on pourrait croire qu’Emil porte la cinquantaine bien sonnée d’un bourlingueur aguerri. Pas du tout. A peine trente ans et toutes ses dents, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, le jeune homme que l’on rencontre en concert démontre que rien n’est perdu. Dépressifs de tous les pays, unissez-vous dans un seul cri : gaz à tous les étages.

Dépressifs de tous les pays, unissez-vous.

Le ventre gonflé d’anxiolytiques, les yeux fermés pour un bilan sous forme d’exorcisme, la tête balayée d’images de corps qui remontent, de nappes tâchées, de souvenirs morts, Emil n’a pas la forme. Disons qu’il y a beaucoup de creux, d’absence et de manque dans ce disque, quelque chose qui ressemble à un réel cabossé, mais comme en arrière fond, relégué loin derrière la beauté brute des morceaux. Car ce qui prime n’est pas la tristesse, le tempo lent, mais bien cette harmonie secrète qui lie un timbre de voix à des mélodies simples, que porte en filigrane une batterie sur le fil du rasoir. Car Emil est batteur, c’est peut-être ça qui le sauve. Un moment seul contre le mur, cet homme compose des chansons. Il en sort des perles, des perles noires où résonne l’acoustique d’une guitare seule, d’une voix qui s’efface à mesure et constate sans amertume que tout fout le camp (le magnifique Hermit’s tune). On y trouve une manière de lâcher prise, une proximité qui ne cherche pas à faire d’éclats, bref une franche rigolade pour un réveillon entre amis : sortez masques, coupes et cotillons, placez Holy Sons sur la platine, la bouteille à peine ouverte, la fête promet d’être réussie.


Stéphane Mas