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Clap Your Hands and Say Yeah
Make-up Your Mind and Say Yes





Propulsés de la galaxie internet, New York déboule et nous livre un groupe qui souffle le chaud et le froid, s?étale parfois en contemplations planantes, illumine et tempère nos oreilles estourbies par une ribambelle de concurrents aux idées plus pragmatiques. Cultivant l?art de la digression avec un enthousiasme communicatif, les suppôts du Do It Yourself bousculent les règles du genre pour mieux nous enfoncer au creux des oreilles une série de ritournelles décidément aussi entêtantes qu?efficaces.

Pop mais pas trop

Au-delà de l?impeccable construction mélodique des différents titres, la singularité de cet album tient au fait qu?il tire ses influences non seulement du côté des années 80 avec ses nappes de synthés cheap et ses sons cosmiques distillés à l?oreille avec parcimonie. Mais on peut aussi pointer au fil des tambourins sur Let the Cool Goddess Rust Away et des cœurs accortes, une communauté vaguement hippie dans l?Amérique rurale des seventies.

Si les New Yorkais échappent donc à la vague rock musculeuse, ils ne sont pas en reste lorsqu?il s?agit de mettre en avant un mur de guitares tantôt débraillées et vindicatives, tantôt cristallines, adossées à une ligne de basse taillée sur mesure pour des convulsions païennes au beau milieu de ground zero.

L?art du grand écart

Si le groupe a l?ingénieuse tendance à brouiller les pistes, c?est à l?aide de mini-morceaux instrumentaux, tendance art naïf, qui rythment la respiration d?un projet conçu non pas comme un brûlot pop rock accouché au forceps, mais bien plutôt comme une tentative d?agglomérer une somme d?influences diverses voire paradoxales (Raptures/ Fleetwood Mac ?) qui donnent à l?album toute son ampleur.

Car passés les quelques interludes ludiques, Clap Your Hands, Sunshine and Clouds, Blue Turning Grey, l?équipe démontre toute la qualité de son potentiel offensif pour enchaîner des titres rivalisant d?efficacité, entraînant n?importe quel shoegazer sur la piste de danse d?ordinaire squattée par les chippies en converse.

L?héritage en ligne de mire

Puzzle kaléidoscopique d?influences assumées et parfaitement digérées, les CYHASY déroutent et convainquent par cette capacité à absorber et à transcender un héritage musical aussi lourd que celui de la grosse pomme. On rentre directement chez Tom Waits sur la première piste, pour un clin d?œil à une figure des plus intègres et touche à tout de la scène New-yorkaise.

A l?étage, on retrouve la vague pétards mouillés et guitares noisy pop des années 90, ici heureusement boostées par une certaine urgence, une spontanéité qui fleure bon l?insouciance, soutenue par la voix nasillarde, vociférante, criarde, parfois désabusée souvent à la limite de la rupture et du déraillage contrôlé de Alec Ounsworth. Ca frotte, ça urge, ça éructe un peu partout mais le combo garde le cap porté par un souffle d?énergie salutaire.

Orthodoxie pop et raillerie rock

Le côté homogène de l?album participe de l?efficacité du projet car nous sommes en terrain connu noisy rock orthodoxe dans la plus pure veine début 90 sur In This Home On Ice, ses lignes de guitares claires et bien calées sur une mélodie d?une simplicité enfantine. Mais les affaires se corsent, la ligne de fuite se raidit lorsque le rythme s?emballe, la voix s?avance batailleuse et itérative à souhait lorsqu?il s?agit de faire de la propagande à une jeunesse sauvageonne assumée (Upon This Tidal Wave...).

Et si le groupe vit à l?heure du réseau mondial, il n?en oublie pour autant de remettre au goût du jour sur Sunshine and Clouds l?ère glacière du rock, le temps où Ian Curtis et Joy Division, des fins fonds de Manchester, faisaient office de gourous cold épileptiques pour une jeunesse réchappée du tourbillon punk.

Entre véhémence et loufoquerie, la corde rêche

Comme si la voix de Hounsworth ne suffisaient pas à concentrer tous les gemillements compilés d?un Tom Yorke pré pubère et d?un Dylan sans Solutricine, il faut bien remettre une couche d?harmonica geignard sur Details of the War pour appuyer une fâcheuse tendance à la complainte sur les titres les plus lents de l?album.

Car toute la force du groupe s?étale au final sur les compositions enlevées, alertes et ramassées qui concentrent une tension libératoire et souvent cathartique lorsque les guitares, le mors aux dents tiennent le pavé à une rythmique frondeuse et hypnotique The Skin of My Yellow Country Teeth, Heavy Metal. Bien difficile dans ces moments de tourner le dos à une alchimie décidément bien convaincante dans sa capacité à convoquer, à digérer et à remodeler tout un pan d?une musique vouée aux catacombes.


Guillaume Bozonnet