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Eustache Kossakowski, 6 mètres avant Paris, Musée Nièpce, Chalon-sur-Saône, jusqu’au 22 mai 2005
Tentative d’épuisement de 159 lieux (presque) parisiens





En 1970, Eustache Kossakowski (1925-2001) réalise “6 mètres avant Paris, 159 photographies objectives”, créant une série entièrement reconstituée aujourd’hui par le laboratoire du musée Nicéphore Nièpce à partir des négatifs originaux.

L’ex-étudiant en architecture polonais devenu photographe établit des règles a priori pour y soumettre sa production : poser son appareil 6 mètres avant tous les panneaux indicateurs entourant la capitale (juste avant de pénétrer dans cette ville que le nouvel exilé découvre alors, en lisière de Paris, seul devant Paris), centrer le panneau dans un plan large et profond, en noir et blanc. Inventer, sans le nommer, l’Ouphopo, ouvroir de photographie potentielle.

Retour à la source des mots pour un voyage imaginaire.

Il y a beaucoup de choses aux portes de Paris.

Un grand nombre, sinon la plupart, de ces choses ont été décrites, inventoriées, photographiées, racontées ou recensées. Mon propos dans les pages qui suivent a plutôt été de décrire le reste : ce que l’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages.

La date : 15 mars 2005

L’heure : 21h30

Le lieu : ma chambre

Le temps : nuit douce et étoilée pour un printemps avant l’heure.

Esquisse d’un inventaire des choses strictement visibles sur 159 photographies :

-   Des mots : PARIS, PARIS, PARIS... Impasse, ...interdit sur trottoir, Poids Lourds Direction Obligatoire, Technocrates assassins... (bombé sur un mur), Parc des Princes, Porcs en gros (sur un camion), Piétons vers Paris, UNIC... Déménagements Paris Province (sur un camion), DANGER, Autoroute A6, Porte d’Italie, Pte de Choisy, Pte de la Gare, Pte de Charenton, Parc floral, AUTOS (sur une enseigne), JOKER jus de fruits (affiche sur un mur), Pompidou... (bombé sur un mur).

-   Des symboles conventionnels : le “P” de parking, des panneaux d’interdiction de stationner couplés à presque tous les panneaux Paris, des panneaux d’interdiction aux camions, des panneaux de sens interdit, des panneaux interdisant de tourner à gauche, un panneau circulaire portant un triangle pointé vers le bas avec l’inscription STOP, un panneau circulaire portant trois flèches tournant sur elles-mêmes indiquant un rond-point, un panneau triangulaire portant une locomotive fumante indiquant une voie de chemin de fer, un panneau triangulaire portant une croix indiquant un croisement (assorti du panneau danger).

-   Des chiffres : 2Fr les 6H (prix du parking - Parc municipal gardé - à 300m), 60 des panneaux limitant la vitesse à 60 km/h, 6 d’Autoroute A6, D38, N305, N19, N5, 1,4 Charenton le Pont, 4 Maisons Alfort.

-   De la terre : du gravier tassé et du sable.

-   De la pierre : la bordure des trottoirs, les pavés de la route, des maisons...

-   De l’asphalte

-   Des arbres

-   Des morceaux parfois importants de ciel

-   Aucun pigeon

-   Des véhicules (leur inventaire reste à faire)

-   Des êtres humains (de dos ou de profil)

-   Un chien

Trajectoires : Vers Paris

Couleurs : Toute la gamme du noir et blanc, de l’ombre et de la lumière

Accalmie (lassitude ?)

Pause


Nathalie Petitjean
D’après Georges Perec, “Tentative d’épuisement d’un lieu parisien“ dans Le Pourrissement des Sociétés, n° 1/1975 de la revue Cause commune.