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Mugison - Interview !
Rencontre du troisième type.





Parfois, la vie est trop simple. Mugison tiendrait son nom de son papa Mugi, star de karaoké en Malaysie. Après avoir tourné avec lui, le fils de son père mise sur la filiation pour faire son trou dans le showbiz. Mugison, fils de Mugi. Voilà le genre de propos que tient, hilare, notre bûcheron des glaces. Un type qui, après un concert sidérant, passe dans le public vendre ses disques à la main, comme jadis on entendait sur les plages : chouchous, bonbons, beignets. Tout est là, tout est bon.

peauneuve : Entre la rage et le désespoir, où te places tu ?

Mugison : Sur les deux à fond, au maximum. On en est tous là, en fait. Chacun de nous réagit de manière différente à ce qui se passe mais je pense qu’on a tous les même limites. On peut tous être prêt à tuer quelqu’un, mais chacun maquille ça différemment. Je ne hurle pas lorsque je parle à mon père ou à ma copine. J’exprime ça à travers la musique. Je ne conduis pas non plus comme un dingue mais en studio ou sur scène, je peux vraiment devenir hardcore.

Between rage and despair ? Both, definitely maximum. I think all human beings are, you know. People are different the way they respond to things but we’ve all got the same limits : we’re all just about to kill someone. It’s just different the way we look. I don’t scream when I talk to my father or to my girlfriend. I express it in music. I’m not an animal while I’m driving but I can be pretty hardcore in the studio and on stage.

pn : L’album est beaucoup plus léger que ce que tu fais sur scène. Pourquoi une telle différence ? Comment perçois-tu la réaction des gens ?

m : Voilà, bon, si je veux prendre du plaisir à jouer sur scène, autant y aller à fond. Ce soir, c’était vraiment bien mais il faut laisser la place aux suivants, c’est comme ça. Sur le retour du public, je ne sais pas. J’ai demandé aux gens qui me connaissaient de lever la main pour voir. A part mon père, toi, il n’y en avait vraiment pas beaucoup. C’est de la musique qu’on entend pas beaucoup, c’est nouveau. Tu ne peux pas t’attendre à ce que les gens hurlent Oh le nouvel Elvis, On t’adore, etc. La première fois qu’on entend ces chansons, j’imagine que ça t’explose au cerveau. Ce côté très doux sur un morceau alors que celui d’après tombe dans le pur satanisme.

Yea well. If I am to enjoy performing this stuff on stage, I’d better give it all. I think tonight was pretty good. It’s too bad I had a time limit. And about the audience, you know. I asked to people to raise their hand if they knew me and you know besides my father and you, maybe two or three hands, you know. It’s all new music. You can’t expect people to go This is the next Elvis...We love you. The first time you hear those songs, I guess it’s like a mind fuck. Some stuff is really sweet and the next thing is really Satanist.

pn : Fonctionnes-tu toujours sur la tension et la relâche ? Tu passes souvent de morceaux très difficiles à des ballades naïves et au fond très classiques, non ?

m. : Ca, c’est le spectacle. Si tu joues d’affilée deux morceaux lents sans être connu, les gens vont boire un coup. J’ai l’impression qu’ils veulent cela, c’est ce qu’ils attendent. S’ils ne me connaissent pas, je dois capter leur attention. Je pourrais être vraiment extrême, me saigner les veines, me bastonner, faire l’amour sur scène, n’importe quoi vraiment. Je pense qu’il faut se donner à fond, et moi j’adore ça, c’est tout.

I guess it’s entertainment, you know. If you do two slow songs in a row, people will go to the bar. I think they want something brutal. If they don’t know my music, I could be really extreme, cut my wrists, beat somebody up, make love to somebody or whatever to get their attention but I think you have to give your best, you know. I enjoy what I do, that’s all.

pn : Quand tu parles de plaisir, est-ce que c’est lié à la musique ou à ce pouvoir de tout lâcher, sans aucune mesure ?

m. : La musique me permet de faire cela, voilà. Mais ce n’est pas toujours comme ça. Quand je joue en Islande et que les gens connaissent les morceaux, je joue ce qu’on me demande. Je suis tout gentil quand je joue chez moi (Rires).

Music allows me to do it. It’s not always like that, though. When I play back home, people know the songs and I just play on request. I’m almost a quiet guy, then (laughing).

pn : Tu joues beaucoup avec les effets de delay et d’echo, en utilsant des boucles. Le fait d’être seul sur scène, est-ce un choix ou une nécessité ?

m. : Il se trouve que j’aime la musique electronique, je bosse avec un ordi. Un groupe fait la même chose : assembler des paroles, un refrain, tout finit assez vite par se répéter de toute façon, autant créer son loop directement. Ca m’évite de payer un batteur pour venir jouer à Paris (Rires). Je plaisante. C’est juste ce que je fais en ce moment : j’aime le concept du one-man-band. C’est unique : personne ne le fait vraiment de cette façon. Il y a Four Tet qui fait ça un peu, mais bon. C’est un vrai suce-boule.

I kind of like the notions of electronics and computers. What a band usually does when playing music is the same. Music is often just about a chorus and a verse. Everything repeats itself anyway, so you might just as well just play a loop, really. Why bother to pay for a drummer to come to Paris ? (laughing) I’m joking. This is what I’m doing at the moment : I like the concept of a one man band. It’s unique. I don’t think anybody’s doing it the way I’m doing it. Maybe Four Tet, he’s a one man band ; but I think he sucks tits and ass.

pn : Tros doux, trop fade ? Quel est ton rapport à l’électronique ?

m. : Ses albums sont bien, mais ses shows craignent vraiment. Il ne joue pas le jeu. Le spectacle, je veux dire. Je pense que si tu prends la peine de monter sur une scène, c’est un peu comme entrer dans une église. Les gens attendent de toi quelque chose. Ils paient leur entrée avec leur argent, un argent pour lequel ils ont du travailler. C’est vraiment le minimum que de répondre à leurs attentes. Genre Comment ça va ? Voilà deux trois chansons, qu’est-ce que vous en dites ? Cela fait partie du spectacle. Et pour l’électronique, bon c’est la même chose depuis dix ou quinze ans. Les labels comme Warp ou Ninja Tune, c’est un peu comme du vieux jazz maintenant. Et la soi-disante avant-garde, même Britney Spears fait des trucs plus fun que l’élite européenne de la musique électronique. Il y a vraiment un gros malentendu à ce niveau-là.

His albums are good, but his live shows are shit. He’s not like an entertainer. If you bother to step up on a stage, it’s like you’re going to a church or something. People expect, they pay good money and people do work for that money. I think it’s a minimum respect to respond to the people and go like So how you doin’ ? This is my song. How do you feel about it ? It’s a part of entertainment. About electronic music, it’s been the same for ten years or something. Old labels like Warp or Ninja Tune, it’s just like old jazz to me. And new electronics, well. Even Britney Spears is doing more fun things than most of the electronic elite in Europe. It’s all misunderstanding theses days.

pn : Aucun surcis ? Autechre, Aphex Twin ?

m. : J’aime bien tous ces types. C’est juste un malentendu. C’était bien il y a dix, quinze ans mais maintenant, on dirait des vieux jazzmen sur le retour. Faudrait passer à autre chose. Je pense que ce qui se fait de mieux sur la planète aujourd’hui au niveau électronique c’est Fantomas, le groupe de Mike Patton. Ils partent du heavy metal pour le transformer en un truc assez indescriptible, vraiment bizarre.

Well, I like all these guys. It’s all a misunderstanding. It was good ten, fifteen years ago, but they’re like old jazz players now. I think the best electronic on planet earth today is Fantomas, Mike Patton’s band. It’s like a heavy metal band mixing really weird stuff.

pn : Es-tu sur un nouveau projet en ce moment ?

m. : Chaque fois que je l’ouvre pour dire sur quoi je travaille, ça finit par me claquer dans les doigts. Si je dis que je vais faire un album funk, ça se termine par un truc qu’aurait pu faire Lionel Richie. En fait, j’aime la guitare. Je m’endors souvent avec elle. C’est une vraie histoire d’amour. Celle que j’ai a bientôt quarante ans. Elvis utilisait la même marque (Gibson - ndlr) et j’aime toujours Elvis. J’écris toutes mes chansons à la guitare. Une bonne chanson, c’est toujours la même chose. Prends Love me tender. Si Air faisait une reprise de Love me tender, ils ne pourraient pas la massacrer. De la même façon que si tu joues Sexy Boy à la guitare, ça restera une bonne chanson. Même chose avec Human Behaviour de Björk. On peut tout jouer sur une guitare acoustique, de préférence une bonne chanson. Et si c’est le cas, ça restera une bonne chanson, peu importe que tu la joues comme ça ou que tu l’arranges avec un orchestre ou avec des sons, des beats electroniques.

Every time I open my mouth and say This is what I’m working on. Pffff. It just explodes in my hands. If I say I’m gonna do a funk album, I’ll do something Lionel Richie would have done. But I love the guitar.I often fall asleep with the guitar. We have an affair. This is a fourty years old guitar I’m using. It is the same brand that Elvis used (Gibson -ndlr) and I love Elvis Presley. I write all my stuff on a guitar. A good song is always the same thing. Take Love me tender. If Air covered Love me tender, they couldn’t fuck it up. Just like Sexy Boy played on acoustic guitar is still a good song, or Björk’s Human behaviour. You can play everything on acoustic guitar, just be sure it’s a good song. And if it is, it’ll stay a good one, no matter how you arrange it with an orchestra, electronic beats or sounds.

pn : D’ou viennent les sons, les bruits des loops que tu utilises ?

m. : De chez moi. Cela peut être ma machine à laver, ma copine qui fait la vaisselle, la machine à café, les chaises qui font cccrrk sur le sol, des fois mon ventre qui fait cccrrk (Rires). Et j’amplifie tout ça jusqu’au moment où on dirait une énorme avalanche. Parfois c’est juste des bruits que je fais avec la bouche.

From home. It’s just my washing machine, my girlfriend doing the dishes, the coffee machine, my chairs going cccrrk, sometimes my belly going cccrrk (laughing) and I amplify it up to the stage when it sounds like an avalanche. Sometimes it’s just my mouth, you know.

pn : L’influence de Tom Waits ?

m. : Je l’adore, ça c’est de la musique ! J’essaye juste de faire de la musique en étant le plus honnête possible. Ma vie tourne autour de ça, la vie de mon père, celle de ma copine aussi. On est tous là-dedans à fond.

I love him to pieces. This is the thing ! I just try to be honest the way I do music. It’s all my life, my father’s life, my girlfriend’s life. That’s what we’re all in.

pn : Peux-tu nous parler du premier morceau du set (boucles et cris sauvages durant trois minutes - ndlr) ?

m : Oui, ça c’est bon. J’aimerais faire tout un album aussi extrême que ce morceau, et le faire passer en marketing comme album de méditation. Toutes ces musiques de méditation sont abominables. Elles font vraiment plus de mal que de bien à ceux qui les écoutent. C’est supposé te détendre mais en fait ça t’oblige à penser à de l’eau ou à une plage. C’est le royaume des faux-semblant, de la pacotille, des conneries. Je pense que si tu écoutes de l’électronique un peu hardcore qui fait ckkrssjfhq, c’est presque impossible de penser, tout ton corps finit par se dissoudre. Au bout de trois minutes intensives, tu te sens bien, tu ne veux plus entendre un seul bruit au monde. Tu te sens plus léger, plus jovial.

Oh yeah that’s good ! I’d like to do an album that’s that extreme and market it as a meditation album. All those meditation albums I think are really doing people wrong. It’s doing more bad than good ’cause it’s supposed to make people relax but it’s forcing them to think about water or beaches, but it’s like make-believe-land and just bullshit. I think if you listen to electronic music that goes ckkrssjfhq, you can’t really think and your hole body really evaporates. At the end of three minutes you’re gonna feel relax and you won’t want to hear a single sound. You’ll feel more jolly.


Stéphane Mas